vendredi 19 mai 2006
Instruments de torture...
Le corset...
et les chaussures orthopédiques...
font partie de la "panoplie" matinale de Gabrielle, utiles, bien sûr, pour ses problèmes de déformation, mais un vrai crève-coeur pour moi pour les mettre...
Elle pleure beaucoup à la pose, mais ensuite, ça passe...
mercredi 17 mai 2006
Humeur...
Mais là, il y a un peu d'abus.
D'ailleurs, agacée, je viens de couper le sifflet à Jean-Pierre P., présentateur vedette du JT de TF1.
Gros titre du jour: le retour de l'ex-porte-avions "Clémenceau" à Brest.
Reportages: larmes aux yeux des anciens marins, des ouvriers qui l'ont construit.
Trémolos sur son "destin" de mise à la casse (on dirait qu'il avait une âme, ce bateau).
Re-reportage sur les tribulations de son désamiantage (on ne donne pas le montant de la facture, ça m'étonne de JPP, mais il l'a peut-être dit après que j'ai coupé le poste).
Joie et nostalgie des badauds, qui sont venus de fort loin pour témoigner de leur admiration pour l'animal.
Ah...quelques larmes sur tous ces "Clémenceau", "Normandy", "France" et autres....
Voilà, voilà des reportages qui font de l'audience!
Pendant ce temps, il y a:
- des enfants qui crèvent à moitié de faim dans la rue (si, si, il y en a, même en France).
- des enfants qui se font écrabouiller par des chauffards ivres qui ont fêté la victoire de leur équipe de foot préférée.
- des enfants tabassés, violés et tués par des pédophiles.
- des enfants qui continuent à mourir sur les sites des tremblements de terre, faute de soins et d'abris.
- des enfants condamnés car ils souffrent de maladies orphelines et les labos privés n'ont pas envie de faire des recherches sur des trucs qui rapporteront peu.
- des enfants victimes de la guerre ou du lobby des armes.
Oui, c'est vrai, mieux vaut être des nostalgiques du "Clémenceau" (ex-navire de guerre, quand même), que de se poser de vraies questions. Le Clémenceau, c'est plus médiatique, et les vraies questions, ça fait trop réfléchir. En un temps où les derniers vrais héros sont les candidats des émissions de télé-réalité, c'est vrai, rentrons dans le rang!
Da Vinci Code
Voici venu le temps où, après un livre bourré d'invraisemblances qu'on a présenté comme un chef-d'oeuvre, où on nous assomme avec un battage méditique énorme sur le film qui en est inspiré.
Ca m'agace.
Mr Dan Brown, américain bon teint et donc habitué à mettre Dieu à toutes les sauces, avait sûrement un compte à régler avec l'Eglise catholique (une éducation chez les jésuites, peut-être?).
Point positif: après cette attaque en règle, l'Eglise a décidé de remettre les pendules à l'heure, et c'est très bien. On peut consulter l'article suivant:
http://www.catholique.org/news/89190-9077-Une-magistrale-tromperie-Documentaire-sur
Déception: j'aime beaucoup Audrey Tautou. Mais que diable est-elle allée faire dans cette galère?
mardi 16 mai 2006
Souvenirs....la suite
Elle avait une couche sous les fesses, l'infirmière a dit qu'elle devait faire sur elle.
La pauvre petite avait une telle envie, que cela faisait un globe au-dessus de son pubis. Néanmoins, il lui a été très difficile de faire ainsi. Cette propreté, acquise difficilement malgré les avis médicaux contraires, elle ne voulait pas y renoncer.
Elle a du s'y résoudre, finalement.
Elle a encore dû rester dans la chambre de réa cette nuit-là, avec moi sur un fauteuil à ses côtés, somnolant.
Au matin, on l'a transférée dans une autre chambre, mais j'ai exigé qu'elle soit près de la salle de soins. J'ai été exaucée.
Le médecin m'avait expliqué qu'on allait la mettre sous anti-convulsivant, le valproate de sodium. Je connaissais ce médicament, j'en avais manipulé. Là, elle le prendrait sous forme liquide, deux fois par jour.La dose idéale pour elle était de 250 mg deux fois par jour, mais on devait la monter progressivement, d'abord un jour à 75 mg fois 2, puis 150 mg fois 2 le lendemain et enfin 250 mg fois 2. Suivraient de nombreux examens, car ce produit est toxique pour le foie.
Allons-y pour les premiers 75 mg de ce qui est une potion exécrable (je le sais, j'y ai goûté depuis, c'est abominable).
La première prise lui a été mise dans la bouche avec la pipette dosée en mg. Elle l'a avalée, puis a beaucoup pleuré et a eu des nausées (pas étonnant, quand on y pense).
Comme je le disais, elle tenait à peine assise, encore moins debout, bien sûr.
Vu qu'elle avait été maintenue écartelée sur un lit avec la tête sur le côté pour l'empêcher de s'étouffer avec des vomissements éventuels, elle avait attrapé un torticolis.
Cela la faisait souffrir, elle pleurait.
Elle a eu de la kiné.
Elle a eu un EEG, qui a montré une souffrance frontale. La zone frontale est justement celle qui est touchée en premier dans la maladie d'Alexander.
.
Elle ne voulait pas manger.
Son père amenait de la purée faite à la maison pour lui stimuler l'appétit, heureusement, car l'alimentation en pédiatrie est la même que dans les services adultes, et Gabrielle, avec ses difficultés pour mâcher et avaler, il y avait plein de choses qu'elle ne pouvait ou ne voulait manger
.
Revenons-en au premier soir.
Une personne que je n'ose appeler infirmière est revenue lui administrer les 75 mg de valproate de sodium. Elle avait en main une seringue de 1 ml avec du liquide, mais pas d'aiguille. Je lui demande ce que c'était; c'était le fameux médicament, qu'elle s'apprêtait à mettre dans la bouche de ma fille.
Je l'arrête. Le valproate s'administre avec une pipette graduée.
"Oui, mais on a perdu la pipette, alors j'ai prélevé la dose en ml, c'est pareil!
-Ah, mais non, votre seringue est quasiment pleine (elle avait environ 0,8 ml de produit), ce n'est pas la bonne dose.
-Vous, ce que vous pouvez être casse-pieds (dixit), puisque je vous dis que c'est la bonne dose!
-75 mg? Ca m'étonnerait, sachant que le valproate est dosé à 200 mg par ml, là, vous en avez presque 200 mg, pas 75!
- Oh, les gens qui sont du métier! Tenez, j'ai ma calculatrice, on va refaire le calcul, vous verrez bien que j'ai raison!"
Elle a refait le calcul, et, bien sûr, c'est moi qui avait raison, elle avait doublé la dose.
Sa réaction? Elle a vidé l'excédent de produit dans le lavabo, bouche pincée, et a donné le médicament à Gabrielle.
Elle ne s'est pas excusée.
Parce que j'étais une emmerdeuse!
Mais elle, je ne sais pas comment elle avait eu son DE.
Le lendemain, j'ai exigé qu'on ouvre un nouveau flacon afin d'avoir une nouvelle pipette.
Une emmerdeuse, je vous dis!
Ce n'est pas les médecins qui auraient contredit cette fameuse infirmière (que, Dieu merci, je n'ai jamais revu lors des hospitalisations ultérieures).
Dès la fin de la crise, je leur avais demandé de contacter le Professeur, à Paris, j'avais peur que Gaby fasse un oedème cérébral, c'est le risque de cette maladie.
Réponse: "Oui, oui, on verra".
La surveillante du service étant une ancienne camarade de promo, je lui demande de ré-insister pour un transfert à Paris. Elle s'est faite jeter !
Et insiste, insiste...J'avais moi-même appelé le Pr, que, par miracle, Soeur Sourire, sa secrétaire, m'avait passé EN PERSONNE!
Et lui-même me dit qu'effectivement, d'après ce que je lui disais, il fallait qu'il la voit. On devait être le vendredi.
"Faites-là transférer lundi, me dit-il"
Je répète ça au médecin qui fait la contre-visite, qui n'était pas le médecin-chef qui s'occupait, elle de Gabrielle. Elle était partie en week-end.
Donc, le Dr X., d'origine étrangère, m'annonce comme ça que ma fille allant parfaitement bien (elle avait convulsé le jeudi, on était vendredi soir, on commençait à peine le valproate de sodium), et bien, elle allait pouvoir rentrer le lendemain samedi à la maison.
Je bondis! C'était une vraie chiffe, elle avait un torticolis, on devait mettre en route le médicament sous surveillance, et de plus, Paris comptait bien qu'on la lui transfère.
Mais le Dr X. avait (et A TOUJOURS ) réponse à tout! Inutile d'aller à Paris! Ils ne feraient rien de plus que ce qu'eux, en Province, ils avaient fait.
Je reprends mon leitmotiv, très énervée...leucodystrophie d'Alexander, risque d'oedème cérébral, et qu'est-ce que je fais si elle re-convulse?
Le ton montait, et le Dr X; me dit textuellement que:
- je ne suis qu'une emmerdeuse qui stresse son enfant
- lui, dans son pays, a déjà soigné des leucodystrophies et qu'il sait parfaitement quoi faire (réponse immédiate de ma part: "vous êtes donc un faiseur de miracles")
- il a d'ailleurs été un brillant étudiant de ce Professur dont je lui rebats les oreilles et que ce dernier n'en avait rien à faire du genre de mère que j'étais
- tous les papiers de sortie étaient prêts pour le lendemain et qu'ils avaient besoin de la chambre pour des enfants malades.
Et le Dr X. quitte la chambre en claquant la porte.
Effectivement, on est rentré le samedi en début d'après-midi, avec entre autres une ordonnance de Diazépam à faire en intra-rectal en cas de convulsions, mais là encore, problème.
le Dr X marque sur l'ordonnance une dose en ml à injecter en cas de crise, mais là aussi, je connais le produit (qu'est-ce que c'est emmerdant, une infirmière).
Il note donc: faire 0,75 ml de diazépam intra-rectal en cas de crise. Or, Gabrielle faisait à l'époque 15 kg, et pour le diazépam, on prend le poids, on divise par deux et on a la dose en mg, soit pour elle 7,5 mg. Et 0,75 ml, ça ne correspond pas, les ampoules de 2 ml étant dosées à 10 mg.
Problème, je ne suis aperçue de ça qu'à la maison, en relisant les ordonnances.
D'après moi, ça devait être 1,5 ml qu'on devrait faire. je fonce donc à la pharmacie. la pharmacienne est une amie, et au vu de l'ordonnance, elle a eu la même réaction que moi.
Elle appela donc le Dr X. Las, ce brave homme était persuadé que les ampoules de diazépam faisait 1 ml!
Ca continuait....
Nous appelâmes donc notre médecin, car je tenais absolument à aller à Paris le lundi, mais j'avais la trouille d'y aller en voiture.
Il a très bien compris et a prescrit une ambulance, en urgence, C&T devant se charger d'aller à la Sécu dès la 1ère heure le lundi pour qu'on puisse être remboursé.
Et qu'advint-il lorsque, après un week-end éprouvant, durant lequel nous surveillions notre petite fille qui pouvait à peine bouger la tête, terrorisés par la survenue d'une nouvelle crise éventuelle, lui faisant avaler ,en montant les doses, l'infâme breuvage qu'est le valproate et essayant de la nourrir,alors qu'elle n'avait pas faim?
Oui, qu'advint-il?
Elle fut hospitalisée 10 jours (et moi avec) et traitée pour....un oedème cérébral!
Depuis, on est retourné en pédiatrie ici, et pris un peu plus au sérieux. Mais enfin...
Désolée pour les quelques gros mots qui parsèment ce billet, mais c'est vrai que c'est une période où j'ai eu ...ma dose!!
Je vais cesser là les souvenirs obsédants, peut-être plus tard raconterai-je l'hospitalisation à Paris, pour laquelle au niveau soins, il n'y avait rien à redire, c'était plutôt le contexte qui était particulier. Ces vieux hôpitaux, à Paris, pffouu....
dimanche 14 mai 2006
Des souvenirs obsédants...
Le 7, Gabrielle avait eu 4 ans. Depuis quelques temps, elle vomissait fréquemment, mais les médecins mettaient ça sur le compte de la constipation, fréquente chez les enfants qui bougent peu. Moi aussi, j'y croyais, mais avec le recul, je sais que je me voilais la face, car un des signes de la leucodystrophie d'Alexander, ce sont les vomissements, justement, et ça, je le savais.
J'avais promis à Thomas et Lucie, depuis longtemps, de leur faire prendre le train. Ce jour-là, un mercredi, Gabrielle étant au Centre, nous avons pris le train Corail jusqu'à la gare suivante (1/2 h de trajet), déjeuné au buffet de la gare, et pris le TER pour le voyage retour.
Mes deux grands étaient ravis. le train, quelle aventure...
De retour à la maison, Gaby étant rentrée, je la trouvais particulièrement amorphe, mais bon.
Au dîner, elle qui avait à l'époque un très bon appétit, ne voulut manger que très peu. Je lui avais fait une sorte de purée aux courgettes, dont elle raffolait d'habitude, et qui était très bonne pour sa constipation.
C&T et moi l'avons un peu forcée à manger, et dans la nuit, elle a vomi.
Plusieurs fois.
Longtemps, avec des spasmes...
Au matin, elle avait une toute petite mine; le jeudi étant le jour de congé de notre médecin, je me décidai à l'emmener en Pédiatrie.
A l'époque, on pouvait y aller comme ça, s'il y avait un problème (depuis, ça a bien changé, il faut montrer patte blanche...)
Lors de la consultetion avec l'interne, re-belote, vomissements incoercibles. Mis là aussi sur le dos de la constipation.
L'interne en référa au médecin, qui décida de la garder, de la perfuser et de lui faire un lavement. Et une injection de métoclopramide. Quelle idiote j'ai été! Je savais que la métoclopramide est un irritant du système nerveux, mais voilà, je me voilais beaucoup la face à cette époque, après tout, hormis le fait qu'elle ne marchait pas et ait un léger retard mental, elle n'avait pas l'air malade...Et elle était propre, ce qui surprenait beaucoup les médecins, elle demandait les toilettes...
Bon, allons-y pour l'injection, qui calma aussitôt les vomissements.
Et la perf (hurlements...)
Et le lavement...Au sortir des toilettes, elle était très pâle, mais avait vidé son petit ventre...C'est très fatigant, un lavement, on ne le sait pas assez.
On décida de la garder le nuit et je restais avec elle.
Dans la nuit, elle a fait pipi au lit. Bizarre, elle n'avait pas demandé...L'infirmièrea pris sa température et lui trouva un peu de fièvre. Bon, c'est peut-être une petite gastro, après tout, parfois il n'y a pas de diarrhée, au contraire...Il était environ 2 heures, elle lui donna du paracétamol en suppo, et refit un IM de métoclopramide.
On se rendort, moi dans un lit que j'avais mis près du sien, ma main dans sa main, elle avait peur.
Vers 5h30, un bruit bizarre m'a réveillé. Ca tenait du grondement, du feulement animal, ça gargouillait...J'allumais.
Et j'ai vu ma petite fille, mon bébé, secouée dans tous les sens, la bave aux lèvres et qui grognait, feulait, je n'arrive même pas à décrire ce bruit immonde qui me résonne encore aux oreilles. Le pire: Sa paupière droite qui clignait à toute vitesse, sa bouche tordue, mousseuse...
Je me suis mise à hurler comme une folle au secours, tout en la tournant sur le côté pour ne pas qu'elle étouffe.
Le secteur mère-enfant est au fond du service, et j'ai eu l'impression que le personnel mettait des heures à arriver; en réalité, elles sont venues très vite, mais ça m'a paru si long, si long...
(Plus tard, c'est une des mamans qui était avec son enfant dans la chambre d'en face qui m'a dit la rapidité avec laquelle le personnel est arrivé)
Immédiatement, on m'a rejeté de la chambre, les médecins sont arrivés, Gabrielle a été transportée dans la chambre de réanimation qui est près de la salle de soins, elle avait eu du Diazépam intra-rectal, sans effet...
J'ai appelé mon mari, qui est arrivé très vite.
Gabrielle convulsait toujours, je le voyais à travers les vitres.
J'étais complètement tétanisée. Le médecin-chef est arrivée. Les médicaments n'agissaient toujours pas. J'ai repensé à la Métoclopramide. j'étais, et je suis toujours persuadée que c'est ce qui a induit les convulsions, qui seraient arrivées à coup sûr, sans doute, mais peut-être pas aussi vite et aussi longtemps.
Ca a duré 3 heures...Trois longues heures à entendre ce geignement, à la voir trémuler, à les voir s'agiter autour d'elle, à se dire que son cerveau était en train de se détruire.
Ils ont songé à l'intuber.
C&T et moi, on en avait parlé, et on a pris la plus difficile des décisions qu'on devait prendre : on a refusé la réanimation.
A quoi bon s'acharner sur une enfant dont le cerveau est déjà lésé, et qui risque d'être irrémédiablement détruit?
Nous avons demandé à ce qu'on veille à ce qu'elle ne souffre pas, et à laisser faire la nature. Et les convulsions se sont calmées.
Elle est restée inconsciente toute la journée, de l'oxygène dans le nez, toute nue, ses petits bras et jambes attachés, comme en croix.
Elle s'est réveillée et ses yeux se sont posés sur moi, qui était sur un fauteuil, près d'elle.
D'une petite voix, elle a dit "Maman".
Je crois que je raconterais la suite plus tard, parce qu'hélas, il y en a beaucoup à dire. Mais rien que d'avoir écrit ceci, de me le remémorer sciemment, ça me secoue un peu. Pourtant, ça fait très longtemps que je me sens le besoin de le raconter. L'esprit humain est bien étrange...