mardi 16 mai 2006
Souvenirs....la suite
Elle avait une couche sous les fesses, l'infirmière a dit qu'elle devait faire sur elle.
La pauvre petite avait une telle envie, que cela faisait un globe au-dessus de son pubis. Néanmoins, il lui a été très difficile de faire ainsi. Cette propreté, acquise difficilement malgré les avis médicaux contraires, elle ne voulait pas y renoncer.
Elle a du s'y résoudre, finalement.
Elle a encore dû rester dans la chambre de réa cette nuit-là, avec moi sur un fauteuil à ses côtés, somnolant.
Au matin, on l'a transférée dans une autre chambre, mais j'ai exigé qu'elle soit près de la salle de soins. J'ai été exaucée.
Le médecin m'avait expliqué qu'on allait la mettre sous anti-convulsivant, le valproate de sodium. Je connaissais ce médicament, j'en avais manipulé. Là, elle le prendrait sous forme liquide, deux fois par jour.La dose idéale pour elle était de 250 mg deux fois par jour, mais on devait la monter progressivement, d'abord un jour à 75 mg fois 2, puis 150 mg fois 2 le lendemain et enfin 250 mg fois 2. Suivraient de nombreux examens, car ce produit est toxique pour le foie.
Allons-y pour les premiers 75 mg de ce qui est une potion exécrable (je le sais, j'y ai goûté depuis, c'est abominable).
La première prise lui a été mise dans la bouche avec la pipette dosée en mg. Elle l'a avalée, puis a beaucoup pleuré et a eu des nausées (pas étonnant, quand on y pense).
Comme je le disais, elle tenait à peine assise, encore moins debout, bien sûr.
Vu qu'elle avait été maintenue écartelée sur un lit avec la tête sur le côté pour l'empêcher de s'étouffer avec des vomissements éventuels, elle avait attrapé un torticolis.
Cela la faisait souffrir, elle pleurait.
Elle a eu de la kiné.
Elle a eu un EEG, qui a montré une souffrance frontale. La zone frontale est justement celle qui est touchée en premier dans la maladie d'Alexander.
.
Elle ne voulait pas manger.
Son père amenait de la purée faite à la maison pour lui stimuler l'appétit, heureusement, car l'alimentation en pédiatrie est la même que dans les services adultes, et Gabrielle, avec ses difficultés pour mâcher et avaler, il y avait plein de choses qu'elle ne pouvait ou ne voulait manger
.
Revenons-en au premier soir.
Une personne que je n'ose appeler infirmière est revenue lui administrer les 75 mg de valproate de sodium. Elle avait en main une seringue de 1 ml avec du liquide, mais pas d'aiguille. Je lui demande ce que c'était; c'était le fameux médicament, qu'elle s'apprêtait à mettre dans la bouche de ma fille.
Je l'arrête. Le valproate s'administre avec une pipette graduée.
"Oui, mais on a perdu la pipette, alors j'ai prélevé la dose en ml, c'est pareil!
-Ah, mais non, votre seringue est quasiment pleine (elle avait environ 0,8 ml de produit), ce n'est pas la bonne dose.
-Vous, ce que vous pouvez être casse-pieds (dixit), puisque je vous dis que c'est la bonne dose!
-75 mg? Ca m'étonnerait, sachant que le valproate est dosé à 200 mg par ml, là, vous en avez presque 200 mg, pas 75!
- Oh, les gens qui sont du métier! Tenez, j'ai ma calculatrice, on va refaire le calcul, vous verrez bien que j'ai raison!"
Elle a refait le calcul, et, bien sûr, c'est moi qui avait raison, elle avait doublé la dose.
Sa réaction? Elle a vidé l'excédent de produit dans le lavabo, bouche pincée, et a donné le médicament à Gabrielle.
Elle ne s'est pas excusée.
Parce que j'étais une emmerdeuse!
Mais elle, je ne sais pas comment elle avait eu son DE.
Le lendemain, j'ai exigé qu'on ouvre un nouveau flacon afin d'avoir une nouvelle pipette.
Une emmerdeuse, je vous dis!
Ce n'est pas les médecins qui auraient contredit cette fameuse infirmière (que, Dieu merci, je n'ai jamais revu lors des hospitalisations ultérieures).
Dès la fin de la crise, je leur avais demandé de contacter le Professeur, à Paris, j'avais peur que Gaby fasse un oedème cérébral, c'est le risque de cette maladie.
Réponse: "Oui, oui, on verra".
La surveillante du service étant une ancienne camarade de promo, je lui demande de ré-insister pour un transfert à Paris. Elle s'est faite jeter !
Et insiste, insiste...J'avais moi-même appelé le Pr, que, par miracle, Soeur Sourire, sa secrétaire, m'avait passé EN PERSONNE!
Et lui-même me dit qu'effectivement, d'après ce que je lui disais, il fallait qu'il la voit. On devait être le vendredi.
"Faites-là transférer lundi, me dit-il"
Je répète ça au médecin qui fait la contre-visite, qui n'était pas le médecin-chef qui s'occupait, elle de Gabrielle. Elle était partie en week-end.
Donc, le Dr X., d'origine étrangère, m'annonce comme ça que ma fille allant parfaitement bien (elle avait convulsé le jeudi, on était vendredi soir, on commençait à peine le valproate de sodium), et bien, elle allait pouvoir rentrer le lendemain samedi à la maison.
Je bondis! C'était une vraie chiffe, elle avait un torticolis, on devait mettre en route le médicament sous surveillance, et de plus, Paris comptait bien qu'on la lui transfère.
Mais le Dr X. avait (et A TOUJOURS ) réponse à tout! Inutile d'aller à Paris! Ils ne feraient rien de plus que ce qu'eux, en Province, ils avaient fait.
Je reprends mon leitmotiv, très énervée...leucodystrophie d'Alexander, risque d'oedème cérébral, et qu'est-ce que je fais si elle re-convulse?
Le ton montait, et le Dr X; me dit textuellement que:
- je ne suis qu'une emmerdeuse qui stresse son enfant
- lui, dans son pays, a déjà soigné des leucodystrophies et qu'il sait parfaitement quoi faire (réponse immédiate de ma part: "vous êtes donc un faiseur de miracles")
- il a d'ailleurs été un brillant étudiant de ce Professur dont je lui rebats les oreilles et que ce dernier n'en avait rien à faire du genre de mère que j'étais
- tous les papiers de sortie étaient prêts pour le lendemain et qu'ils avaient besoin de la chambre pour des enfants malades.
Et le Dr X. quitte la chambre en claquant la porte.
Effectivement, on est rentré le samedi en début d'après-midi, avec entre autres une ordonnance de Diazépam à faire en intra-rectal en cas de convulsions, mais là encore, problème.
le Dr X marque sur l'ordonnance une dose en ml à injecter en cas de crise, mais là aussi, je connais le produit (qu'est-ce que c'est emmerdant, une infirmière).
Il note donc: faire 0,75 ml de diazépam intra-rectal en cas de crise. Or, Gabrielle faisait à l'époque 15 kg, et pour le diazépam, on prend le poids, on divise par deux et on a la dose en mg, soit pour elle 7,5 mg. Et 0,75 ml, ça ne correspond pas, les ampoules de 2 ml étant dosées à 10 mg.
Problème, je ne suis aperçue de ça qu'à la maison, en relisant les ordonnances.
D'après moi, ça devait être 1,5 ml qu'on devrait faire. je fonce donc à la pharmacie. la pharmacienne est une amie, et au vu de l'ordonnance, elle a eu la même réaction que moi.
Elle appela donc le Dr X. Las, ce brave homme était persuadé que les ampoules de diazépam faisait 1 ml!
Ca continuait....
Nous appelâmes donc notre médecin, car je tenais absolument à aller à Paris le lundi, mais j'avais la trouille d'y aller en voiture.
Il a très bien compris et a prescrit une ambulance, en urgence, C&T devant se charger d'aller à la Sécu dès la 1ère heure le lundi pour qu'on puisse être remboursé.
Et qu'advint-il lorsque, après un week-end éprouvant, durant lequel nous surveillions notre petite fille qui pouvait à peine bouger la tête, terrorisés par la survenue d'une nouvelle crise éventuelle, lui faisant avaler ,en montant les doses, l'infâme breuvage qu'est le valproate et essayant de la nourrir,alors qu'elle n'avait pas faim?
Oui, qu'advint-il?
Elle fut hospitalisée 10 jours (et moi avec) et traitée pour....un oedème cérébral!
Depuis, on est retourné en pédiatrie ici, et pris un peu plus au sérieux. Mais enfin...
Désolée pour les quelques gros mots qui parsèment ce billet, mais c'est vrai que c'est une période où j'ai eu ...ma dose!!
Je vais cesser là les souvenirs obsédants, peut-être plus tard raconterai-je l'hospitalisation à Paris, pour laquelle au niveau soins, il n'y avait rien à redire, c'était plutôt le contexte qui était particulier. Ces vieux hôpitaux, à Paris, pffouu....
tout ce que je peux raconter sur les infirmieres et les medecins et que personne ne croyait c'est encore rien par rapport a ce que tu racontes.
je ne suis pas infirmiere mais tres vite j'avais commencé avec sergio a me mefier et a surveiller tout surtout les doses de medicaments.
il faut raconter.c'est super que tu le fasse.
Deuxièmement, je pense que lorsque nous étions à l'hôpital à Paris, il y a du avoir des relations téléphoniques "virulentes" de la part du Pr. bien sur, il ne m'en a rien dit (ils se serrrent les coudes, les docteurs), mais je l'ai senti à certains de ses propos. De plus, depuis, à chaque fois que nous sommes revenues dans le service, on m'a beaucoup plus prise au sérieux et bien tenu compte de mes remarques; donc, la leçon a du porter.
Je ne leur en veux plus, ils étaient ignorants de cette maladie très rare, pourtant diagnostiquée chez eux. C'était plus confortable intellectuellement de la considérer comme une banale épilepsie.
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