dimanche 14 mai 2006
Des souvenirs obsédants...
C'était en février 2003, le 27, je crois...
Le 7, Gabrielle avait eu 4 ans. Depuis quelques temps, elle vomissait fréquemment, mais les médecins mettaient ça sur le compte de la constipation, fréquente chez les enfants qui bougent peu. Moi aussi, j'y croyais, mais avec le recul, je sais que je me voilais la face, car un des signes de la leucodystrophie d'Alexander, ce sont les vomissements, justement, et ça, je le savais.
J'avais promis à Thomas et Lucie, depuis longtemps, de leur faire prendre le train. Ce jour-là, un mercredi, Gabrielle étant au Centre, nous avons pris le train Corail jusqu'à la gare suivante (1/2 h de trajet), déjeuné au buffet de la gare, et pris le TER pour le voyage retour.
Mes deux grands étaient ravis. le train, quelle aventure...
De retour à la maison, Gaby étant rentrée, je la trouvais particulièrement amorphe, mais bon.
Au dîner, elle qui avait à l'époque un très bon appétit, ne voulut manger que très peu. Je lui avais fait une sorte de purée aux courgettes, dont elle raffolait d'habitude, et qui était très bonne pour sa constipation.
C&T et moi l'avons un peu forcée à manger, et dans la nuit, elle a vomi.
Plusieurs fois.
Longtemps, avec des spasmes...
Au matin, elle avait une toute petite mine; le jeudi étant le jour de congé de notre médecin, je me décidai à l'emmener en Pédiatrie.
A l'époque, on pouvait y aller comme ça, s'il y avait un problème (depuis, ça a bien changé, il faut montrer patte blanche...)
Lors de la consultetion avec l'interne, re-belote, vomissements incoercibles. Mis là aussi sur le dos de la constipation.
L'interne en référa au médecin, qui décida de la garder, de la perfuser et de lui faire un lavement. Et une injection de métoclopramide. Quelle idiote j'ai été! Je savais que la métoclopramide est un irritant du système nerveux, mais voilà, je me voilais beaucoup la face à cette époque, après tout, hormis le fait qu'elle ne marchait pas et ait un léger retard mental, elle n'avait pas l'air malade...Et elle était propre, ce qui surprenait beaucoup les médecins, elle demandait les toilettes...
Bon, allons-y pour l'injection, qui calma aussitôt les vomissements.
Et la perf (hurlements...)
Et le lavement...Au sortir des toilettes, elle était très pâle, mais avait vidé son petit ventre...C'est très fatigant, un lavement, on ne le sait pas assez.
On décida de la garder le nuit et je restais avec elle.
Dans la nuit, elle a fait pipi au lit. Bizarre, elle n'avait pas demandé...L'infirmièrea pris sa température et lui trouva un peu de fièvre. Bon, c'est peut-être une petite gastro, après tout, parfois il n'y a pas de diarrhée, au contraire...Il était environ 2 heures, elle lui donna du paracétamol en suppo, et refit un IM de métoclopramide.
On se rendort, moi dans un lit que j'avais mis près du sien, ma main dans sa main, elle avait peur.
Vers 5h30, un bruit bizarre m'a réveillé. Ca tenait du grondement, du feulement animal, ça gargouillait...J'allumais.
Et j'ai vu ma petite fille, mon bébé, secouée dans tous les sens, la bave aux lèvres et qui grognait, feulait, je n'arrive même pas à décrire ce bruit immonde qui me résonne encore aux oreilles. Le pire: Sa paupière droite qui clignait à toute vitesse, sa bouche tordue, mousseuse...
Je me suis mise à hurler comme une folle au secours, tout en la tournant sur le côté pour ne pas qu'elle étouffe.
Le secteur mère-enfant est au fond du service, et j'ai eu l'impression que le personnel mettait des heures à arriver; en réalité, elles sont venues très vite, mais ça m'a paru si long, si long...
(Plus tard, c'est une des mamans qui était avec son enfant dans la chambre d'en face qui m'a dit la rapidité avec laquelle le personnel est arrivé)
Immédiatement, on m'a rejeté de la chambre, les médecins sont arrivés, Gabrielle a été transportée dans la chambre de réanimation qui est près de la salle de soins, elle avait eu du Diazépam intra-rectal, sans effet...
J'ai appelé mon mari, qui est arrivé très vite.
Gabrielle convulsait toujours, je le voyais à travers les vitres.
J'étais complètement tétanisée. Le médecin-chef est arrivée. Les médicaments n'agissaient toujours pas. J'ai repensé à la Métoclopramide. j'étais, et je suis toujours persuadée que c'est ce qui a induit les convulsions, qui seraient arrivées à coup sûr, sans doute, mais peut-être pas aussi vite et aussi longtemps.
Ca a duré 3 heures...Trois longues heures à entendre ce geignement, à la voir trémuler, à les voir s'agiter autour d'elle, à se dire que son cerveau était en train de se détruire.
Ils ont songé à l'intuber.
C&T et moi, on en avait parlé, et on a pris la plus difficile des décisions qu'on devait prendre : on a refusé la réanimation.
A quoi bon s'acharner sur une enfant dont le cerveau est déjà lésé, et qui risque d'être irrémédiablement détruit?
Nous avons demandé à ce qu'on veille à ce qu'elle ne souffre pas, et à laisser faire la nature. Et les convulsions se sont calmées.
Elle est restée inconsciente toute la journée, de l'oxygène dans le nez, toute nue, ses petits bras et jambes attachés, comme en croix.
Elle s'est réveillée et ses yeux se sont posés sur moi, qui était sur un fauteuil, près d'elle.
D'une petite voix, elle a dit "Maman".
Je crois que je raconterais la suite plus tard, parce qu'hélas, il y en a beaucoup à dire. Mais rien que d'avoir écrit ceci, de me le remémorer sciemment, ça me secoue un peu. Pourtant, ça fait très longtemps que je me sens le besoin de le raconter. L'esprit humain est bien étrange...
Le 7, Gabrielle avait eu 4 ans. Depuis quelques temps, elle vomissait fréquemment, mais les médecins mettaient ça sur le compte de la constipation, fréquente chez les enfants qui bougent peu. Moi aussi, j'y croyais, mais avec le recul, je sais que je me voilais la face, car un des signes de la leucodystrophie d'Alexander, ce sont les vomissements, justement, et ça, je le savais.
J'avais promis à Thomas et Lucie, depuis longtemps, de leur faire prendre le train. Ce jour-là, un mercredi, Gabrielle étant au Centre, nous avons pris le train Corail jusqu'à la gare suivante (1/2 h de trajet), déjeuné au buffet de la gare, et pris le TER pour le voyage retour.
Mes deux grands étaient ravis. le train, quelle aventure...
De retour à la maison, Gaby étant rentrée, je la trouvais particulièrement amorphe, mais bon.
Au dîner, elle qui avait à l'époque un très bon appétit, ne voulut manger que très peu. Je lui avais fait une sorte de purée aux courgettes, dont elle raffolait d'habitude, et qui était très bonne pour sa constipation.
C&T et moi l'avons un peu forcée à manger, et dans la nuit, elle a vomi.
Plusieurs fois.
Longtemps, avec des spasmes...
Au matin, elle avait une toute petite mine; le jeudi étant le jour de congé de notre médecin, je me décidai à l'emmener en Pédiatrie.
A l'époque, on pouvait y aller comme ça, s'il y avait un problème (depuis, ça a bien changé, il faut montrer patte blanche...)
Lors de la consultetion avec l'interne, re-belote, vomissements incoercibles. Mis là aussi sur le dos de la constipation.
L'interne en référa au médecin, qui décida de la garder, de la perfuser et de lui faire un lavement. Et une injection de métoclopramide. Quelle idiote j'ai été! Je savais que la métoclopramide est un irritant du système nerveux, mais voilà, je me voilais beaucoup la face à cette époque, après tout, hormis le fait qu'elle ne marchait pas et ait un léger retard mental, elle n'avait pas l'air malade...Et elle était propre, ce qui surprenait beaucoup les médecins, elle demandait les toilettes...
Bon, allons-y pour l'injection, qui calma aussitôt les vomissements.
Et la perf (hurlements...)
Et le lavement...Au sortir des toilettes, elle était très pâle, mais avait vidé son petit ventre...C'est très fatigant, un lavement, on ne le sait pas assez.
On décida de la garder le nuit et je restais avec elle.
Dans la nuit, elle a fait pipi au lit. Bizarre, elle n'avait pas demandé...L'infirmièrea pris sa température et lui trouva un peu de fièvre. Bon, c'est peut-être une petite gastro, après tout, parfois il n'y a pas de diarrhée, au contraire...Il était environ 2 heures, elle lui donna du paracétamol en suppo, et refit un IM de métoclopramide.
On se rendort, moi dans un lit que j'avais mis près du sien, ma main dans sa main, elle avait peur.
Vers 5h30, un bruit bizarre m'a réveillé. Ca tenait du grondement, du feulement animal, ça gargouillait...J'allumais.
Et j'ai vu ma petite fille, mon bébé, secouée dans tous les sens, la bave aux lèvres et qui grognait, feulait, je n'arrive même pas à décrire ce bruit immonde qui me résonne encore aux oreilles. Le pire: Sa paupière droite qui clignait à toute vitesse, sa bouche tordue, mousseuse...
Je me suis mise à hurler comme une folle au secours, tout en la tournant sur le côté pour ne pas qu'elle étouffe.
Le secteur mère-enfant est au fond du service, et j'ai eu l'impression que le personnel mettait des heures à arriver; en réalité, elles sont venues très vite, mais ça m'a paru si long, si long...
(Plus tard, c'est une des mamans qui était avec son enfant dans la chambre d'en face qui m'a dit la rapidité avec laquelle le personnel est arrivé)
Immédiatement, on m'a rejeté de la chambre, les médecins sont arrivés, Gabrielle a été transportée dans la chambre de réanimation qui est près de la salle de soins, elle avait eu du Diazépam intra-rectal, sans effet...
J'ai appelé mon mari, qui est arrivé très vite.
Gabrielle convulsait toujours, je le voyais à travers les vitres.
J'étais complètement tétanisée. Le médecin-chef est arrivée. Les médicaments n'agissaient toujours pas. J'ai repensé à la Métoclopramide. j'étais, et je suis toujours persuadée que c'est ce qui a induit les convulsions, qui seraient arrivées à coup sûr, sans doute, mais peut-être pas aussi vite et aussi longtemps.
Ca a duré 3 heures...Trois longues heures à entendre ce geignement, à la voir trémuler, à les voir s'agiter autour d'elle, à se dire que son cerveau était en train de se détruire.
Ils ont songé à l'intuber.
C&T et moi, on en avait parlé, et on a pris la plus difficile des décisions qu'on devait prendre : on a refusé la réanimation.
A quoi bon s'acharner sur une enfant dont le cerveau est déjà lésé, et qui risque d'être irrémédiablement détruit?
Nous avons demandé à ce qu'on veille à ce qu'elle ne souffre pas, et à laisser faire la nature. Et les convulsions se sont calmées.
Elle est restée inconsciente toute la journée, de l'oxygène dans le nez, toute nue, ses petits bras et jambes attachés, comme en croix.
Elle s'est réveillée et ses yeux se sont posés sur moi, qui était sur un fauteuil, près d'elle.
D'une petite voix, elle a dit "Maman".
Je crois que je raconterais la suite plus tard, parce qu'hélas, il y en a beaucoup à dire. Mais rien que d'avoir écrit ceci, de me le remémorer sciemment, ça me secoue un peu. Pourtant, ça fait très longtemps que je me sens le besoin de le raconter. L'esprit humain est bien étrange...
Comments:
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ça me paraît impossible de le garder pour soi comme une hantise, l'écrire permet peut-être d'avoir moins peur, de donner des contours définis, car c'est déjà agir. Bisous Simonne.
La vie est bien étrange. Il doit y avoir alors des milliers et des milliers de questions qui vous passent dans la tête à ce moment-là. Pourquoi elle? Pourquoi moi? Pourquoi maintenant?
Ces heures-là doivent être terribles.
Mais il y a le feu de la vie qui continue de brûler. Et cette petite voix qui a murmuré ce fameux "maman" qui conclut ton message en est la plus belle manifestation.
Ta fille est entourée d'amour, ça transpire à chacun de tes messages.
Je dis "tu", car c'est la règle de la blogosphère,mais je devrais dire "vous", tant je me sens petit à côté de toi, enfin vous... disons voi pour faire un mixte des deux. Ton courage, ta force, ta volonté...
Félicitations, et courage. Que la force soit avec toi.
Ces heures-là doivent être terribles.
Mais il y a le feu de la vie qui continue de brûler. Et cette petite voix qui a murmuré ce fameux "maman" qui conclut ton message en est la plus belle manifestation.
Ta fille est entourée d'amour, ça transpire à chacun de tes messages.
Je dis "tu", car c'est la règle de la blogosphère,mais je devrais dire "vous", tant je me sens petit à côté de toi, enfin vous... disons voi pour faire un mixte des deux. Ton courage, ta force, ta volonté...
Félicitations, et courage. Que la force soit avec toi.
je viens de te lire.je me mets a ta place et je comprends que tu aies besoin de le raconter .je devine pourtant que ca n'a pas du etre facile de l'ecrire.
C'est le sentiment d'impuissance qui est le pire n'est-ce pas. Et encore, tu connais un peu le monde médical, pour certain c'est encore plus dur. Epenche toi, ce lieu est fait pour cela. Ca ne guerrit pas, mais cela soulage.
La plus affreuse des terreurs que d'avoir à vivre ça. C'est vrai qu'il faut "que ça sorte". Et puis, vite, vite, emmener Gaby faire une promenade ou jouer à Dora sur l'ordi. Et profiter.
Chère Simonne ... ton billet m'a bouleversée ... je n'arrive pas à imaginer une convulsion qui dure trois heures ! ... L'une de mes deux filles , entre l'âge de 8 mois et deux ans a fait 8 convulsions ( consécutives à de brusques poussées de fièvre dont des angines à répétition étaient responsables ... ) mais jamais ces crises n'ont dépassé trois minutes ! ! ... et pourtant chaque fois cela nous arrachait le coeur sinon des cris ... je me souviens très bien que les trois dernières convulsions ont été stoppées net dès les premiers signes , par un suppositoire de valium ...( il y a de cela 12 ans ... ) Je suis absolument révoltée par les erreurs que font médecins et personnel soignant et surtout tellement surprise que malgré tout on continue la plupart du temps à leur faire une confiance sans limites ... Tu as bien fait de relater ce très douloureux épisode plutôt que de garder en toi ...
Merci Claudine, mais oui, trois heures de convulsions, entretenues je pense avec le recul, par les injections de métoclopramide qu'elle avait eu. Bon, elles seraient venues quand même, mais peut-être pas aussi longues.
Elle a eu du Valium qui n'a pas eu d'effet et c'est je crois (sans être bien sûre ) que c'est avec du rivotril injectable qu'ils ont fait cesser la crise. on a eu de la chance qu'elle ne soit pas restée un légume...
Elle a eu du Valium qui n'a pas eu d'effet et c'est je crois (sans être bien sûre ) que c'est avec du rivotril injectable qu'ils ont fait cesser la crise. on a eu de la chance qu'elle ne soit pas restée un légume...
Pourquoi les convulsions seraient-elles venues quand même ? ? et comment les médecins expliquent-ils qu'elle n'ait eu très heureusement aucune séquelle ? ... fut-ce autre chose qu'une véritable convulsion ? ?
Les convulsions sont un des symptômes de la maladie d'Alexander, qui se traduit par un gonflement du cerveau du à la transformation des astrocytes cérébraux en fibres de Rosenthal, lesquelles fibres prennent plus de place.
Gabrielle, en fait, était prédestinée à convulser, mais le fait d'avoir eu du primpéran (métoclopramide) a accentué et aggravé les choses, je pense.
Quand à son état, elle est revenue à ce qu'elle était avant, mais n'oublions pas qu'elle ne marche ni ne parle, et maintenant, elle a 7 ans.
Gabrielle, en fait, était prédestinée à convulser, mais le fait d'avoir eu du primpéran (métoclopramide) a accentué et aggravé les choses, je pense.
Quand à son état, elle est revenue à ce qu'elle était avant, mais n'oublions pas qu'elle ne marche ni ne parle, et maintenant, elle a 7 ans.
Je pense à Mon Juju-Gabriel né aussi le 7 février. Impossible de rester insensible à te lire.
Bon courage et encore du courage...
Bon courage et encore du courage...
Bonjour Simonne,
Je crois que c'était important de raconter ces souvenirs, malgré la douleur. Les coucher sur le papier permet de mettre l'amertume (justifiée) à distance, enfin un peu...
Bisou à la Puce.
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Je crois que c'était important de raconter ces souvenirs, malgré la douleur. Les coucher sur le papier permet de mettre l'amertume (justifiée) à distance, enfin un peu...
Bisou à la Puce.
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