mardi 10 janvier 2006

 

La douleur

Voilà quelques temps que je voulais en parler, avec mes mots à moi, maladroits peut-être.

La douleur psychologique
c'est celle qu'on ressent dans certaines circonstances, un deuil, une mauvaise nouvelle (l'annonce d'une maladie incurable par exemple), une contrainte (chez les phobiques ou les personnes souffrant de TOC ). Je mets à part les dépressifs, chez lesquels le fait même de vivre est une souffrance.
Tout le monde ne ressent pas la douleur psychologique. Nous ne sommes pas tous fait pour ressentir des sentiments autres que pour soi; il existe des personnes, que l'on nomme psychopathes, qui ne "ressentent" pas, ou très peu, et seulement en fonction d'eux-mêmes. Le terme "psychopathe" a été un peu galvaudé, avec les tueurs en série et compagnie, mais pas tous les psychopathes sont des tueurs, dans le sens "physique" du terme, car beaucoup, de part leur égocentrisme, font souffrir atrocement leurs proches. Je pense à certaines stars, qui ne portent pas le nom de "monstres sacrés" par hasard; pour réussir, il faut bien souvent faire fi des sentiments des autres sans remords.
Mais il n'y a pas que les stars: combien d'enfants sont "bousillés" par des parents psychopathes, qui ne les ont pas tués, certes, pas non plus maltraités physiquement...mais qui ont tiré satisfaction de la torture morale infligée par eux (ou elles) à leur progéniture .
Un psychopathe ne ressent pas de contrainte morale lorsqu'il s'agit d'assouvir ses désirs.Seules les barrières mises en place par la société peuvent lui faire obstacle.
Dans ma vie professionnelles, il m'est souvent arrivée de rencontrer des "abimés de la vie", abimés par un proche (parent, mari ou épouse, enfant).
N'allons pas chercher si loin nos psychopathes: il y a ceux qui ressentent, mais ne daignent ressentir que pour ceux qui valent le coup; ils éxècrent les mal-foutus, les handicapés (surtout quand ce sont eux qui les ont mis au monde), mais gardent quand même un droit de propriété sur eux: ils refusent, par exemple, que l'enfant "cassé" qu'ils ont rejeté soit adopté par quelqu'un d'autre; résultat: des enfants ballottés de centre en famille d'accueil, sans aucune stabilité affective, eux qui en ont tant besoin (et je parle de ça en connaissance de cause).
Au début de mon adhésion à la thèse des psychopathes-qui-ne-sont-pas-des-tueurs (elle n'est pas de moi), je me suis amusée (si on peut dire) à "dépister" les psychopathes de tous les jours; je me suis vite arrêtée; il y en a trop.
J'en reviens à la douleur psychologique: elle est donc ressentie par l'autre partie de la population, celle qui est souvent victime, d'ailleurs des PP (psychopathes).
Comment surmonter la douleur occasionnée par un deuil? Comment vivre avec une écharde dans le coeur (comme c'est mon cas) quand on a une mort annoncée une maladie génétique, un cancer...)
Il y a , bien sûr, des "béquilles": anxiolytiques, voire antidépresseurs, quoique la douleur est plutôt un signe de "bonne santé" de l'esprit, contrairement à la dépression. Bien sûr, quand la douleur est trop forte ou dure trop longtemps, la pathologie dépressive s'installe .Pour avoir testé tout ça, je dis qu'il ne faut pas hésiter à se servir de ces béquilles, mais en gardant comme objectif de s'en débarasser dès que possible (car on s'habitue à tout, même au pire...) Toujours pour aider à surmonter la douleur psychologique, il y a la relaxation, l'amitié, exprimer sa souffrance (dans la peinture, l'écriture...), tout simplement le dire. Se battre, aussi, que ce soit lutter contre son cancer, lutter dans une association d'enfants malades, ne pas baisser les bras (plus facile à dire qu'à faire, parfois).

La douleur physique
L'évolution de l'appréhension de la douleur physique dans le milieu médical a vraiment été fulgurante durant mes 23 années d'exercice.
Lorsque j'étais à l'école d'infirmière et dans les débuts de mon exercice, on minimisait, voire niait la douleur. Elle n'était présente (si j'ose dire), qu'en cas de cancer au stade terminal, et d'infarctus. On la traitait à la morphine, ce qui donnait l'équivalence suivante:
Douleur+morphine= c'est foutu!
En plus, on avait assez peu d'antalgiques: le paracétamol faisait ses débuts, il n'est apparu sous forme injectable qu'il n'y a qu'une dizaine d'années, il me semble. Il y avait des vieux médicaments, comme le chloral, qui n'est pas antalgique, mais anesthésique, très difficile à manipuler et qui servait à des fins inavouables (mais avec de bonnes intentions, toujours...)
Entendre quelqu'un souffrir le martyre, c'est épouvantable, je ne le souhaite à personne.
Car la douleur physique induit souvent une douleur psychologique, non seulement chez celui qui la subit, mais aussi chez ses proches, voire les soignants (c'est pour cela que les formations "accompagnement à la fin de vie "sont si suivies, elles aident les soignants dans ces situations).
Voir les yeux d'un malade qui souffre s'assombrir, la panique s'installer, pas parce qu'il souffre, mais parce qu'il sait qu'il va souffrir quand l'antalgique va cesser de faire effet ...
Entendre quelqu'un geindre de façon continue (je crois que c'est pire que hurler)...
Dieu merci (et les labos avec), l'arsenal d'antalgiques efficaces s'est accru, il y a des patches, des comprimés, des molécules puissantes, dérivées ou non de la morphine, et qu'on peut alterner...
Alors, ou est le problème?
Mais dans les mentalités!
Là, je ne parle plus des fins de vie, mais plutôt de la "banale" douleur, celle de la sciatique, de l'opération, des rhumatismes, de la hernie discale, celle d'origine neurologique (la pire, peut-être), celle de l'accouchement, bref,de la bonne vieille douleur, compagne de beaucoup.
Y a du boulot.
Malgré les EVA (grille d'évaluations de la douleur), les dessins, les trucs et les machins, il y a toujours dans le milieu médical une petite arrière-pensée: "tu souffres, donc tu vis", sous-entendu, il vaut mieux un peu souffrir plutôt que prendre des médicaments parfois toxiques.
c'est un peu la loterie, ça dépend sur quel médecin vous tombez (je parle à l'hôpital, parce qu'en ville, on peut toujours changer..), voire même sur quelle infirmière, et là je vais faire part de mon expérience personnelle, non pas en tant qu'IDE, mais en tant que malade; en effet, j'ai été opérée d'une tumeur (bégnine, je le précise) au poumon gauche en 2000.Je me suis faite opérer en CHU. Infirmière en CHG, je ne les impressionnais pas, les nanas. Primo, prélèvement des gaz du sang ( bien fait pour toi, ma fille, tu en as tant fait, tu le paies maintenant), cela fait horriblement mal! C'est un prélèvement sanguin dans l' artère radiale, déjà douloureux lorsque c'est bien fait, mais horrible lorsque on vous charcute pour trouver l'artère (ce qui a été le cas pour moi); suite à cette expérience, j'ai mis un patch d'EMLA (un anesthésique de contact qui existe depuis 10 ans) à tous les gaz du sang que j'ai fait par la suite. Bien sûr, il faut attendre 2 heures, et bien, on attend (sauf si hyper-urgent).

Toujours pour cette intervention, le chirurgien m'avait prévenu que c'était très douloureux, mais qu'on me donnerait de la morphine. Effectivement, ça l'était, douloureux, surtout le drain thoracique, et la morphine me soulageait pas mal; sauf une nuit, où je n'ai pas eu mon injection; j'ai sonné, vu plusieurs fois l'aide-soignante, réclamé tant et plus, jusqu'à ce que je me fasse attraper par l'IDE de nuit, débordée et qui avait des malades bien plus atteints que moi, m'a-t-elle dit. Evidemment, je n'ai pas pu m'empêcher d'ouvrir ma grande bouche, en précisant que moi aussi j'étais infirmière, mais surtout que je souffrais, le tout dans des termes sûrement conditionnés par mon énervement et ma souffrance. Je ne l'ai pas revue de la nuit, je n'ai eu ma morphine qu'à 7 heures, j'en aurais pleuré de soulagement.
Voilà un exemple de négation de la souffrance, je l'ai revu par la suite pour Gabrielle et ses multiples prise de sang et injections lorsqu'elle était hospitalisée, elle n'a eu droit à l'EMLA qu'avec certaines personnes.
Conclusion: la douleur ne doit plus être un tabou. Physique, il faut qu'elle soit reconnue, prise au sérieux, et traitée. Quand à ceux qui souffrent psychologiquement, ils sont fuis les 3/4 du temps, car on ne sait que leur dire ou que faire, alors que souvent, un sourire ou un seul mot aimable suffirait à atténuer leur souffrance.
Changeons.

Comments:
Je voulais écrire sur la douleur, mais par erreur mon post s'est effacé. Donc, je ne dirai rien ... Si ce n'est qu'il est difficile de distinguer une douleur allant vers le mieux (comme celle liée à une cicatrisation) de celle imposée par la maladie ...
Non, je vais raconter autre chose : sur les coincidences. Il faut aller vers le site de Fortsik, où j'explique cela sur un post.
Et te concernant, j'ai trouvé aussi sur le site de Fortsik une chose qui me concerne vraiment.

Je te cite :
"En parlant d'Armorique, je suis en train de lire un essai sur Merlin l'enchanteur (censé être "enchanté" par Morgane la fée dans la forêt de Paimpont.)
La cornemuse a un son qui remue les tripes, je trouve, pourtant je ne suis pas bretonne;mais j'aime beaucoup la musique celtique
"et dans 10 ans, je m'en irai, j'entends le loup, le renard chanter..."toute ma jeunesse.... "

... Je suis d'origine bretonne (comme Béatrice), à une dizaine de kilomètres de Paimpont et nous y sommes allés cet été. Je raconterai peut-être cette équipée ... qui n'a pourtant duré que quelques jourrs, même pas une semaine, mais ce fut assez ... "décoiffant".
... Et comme nous envisageons (d'ici un an ?) de retourner par là bas ... Tu vois tout cela me cause ...
Bon courage, vive le merveilleux !
Daniel
 
Oui, c'est vrai, tu m'avais dit que tu es breton. C'est une région qui m'a toujours attirée, on y est allés en 98, sur ma demande, ça a été la cata, on a du rentrer en catastrophe tellement le temps était glacial (c'était en juin et les 2 grands étaient petits, ils sont tombés malades, otites, etc..)). Depuis, je n'ose redemander à C&T d'y retourner, il me les a assez reproché, nos vacances en Bretagne. Peut-être plus tard...
 
Si les Stars sont des "monstres" sacrées c'est surtout car ce sont des "personnes que l'on montre" au sens éthymologique. Comme les monstres de foire étaient des personnes malformées exposées.

Les psychopathes dont tu parles sont peut-être des gens qui vont mal et qui ont passé un cap, celui de croire qu'ils peuvent s'en sortir.

Certaines personnes qui ont eu des problèmes (comme beaucoup avec son lot de haut et de bas) m'ont raconté que personne ne les épaulais quand elles osaient parler, dévoilé une part de leur malaitre. c'est tabout de répondre "je vais mal" quand on demande le matin "Comment ça va ?". C'est tabout t'étaler son malaitre comme on étale son problème de stationnement en centre ville.
C'est tabout parceque certains s'effondreraient sous la douleur qu'ils ressentent et qu'ils essaient eux-aussi de cacher.
On imaginerait une société de déprimé si tout un chacun osait dire je vais mal, j'ai besoin d'écoute et un peu de reconnaissance.
rare sont donc ceux qui écoute car ils ont souffert, souffre un peu mais n'en veulent à personne pour ce qui leur est arrivé, car ça ne sers à rien de regretté.
 
... L'expression : "Comment allez-vous" vient en fait de "Comment allez-vous ... aux selles."
Véridique, mais vous le savez peut-être.
A l'époque, les selles donnaient une indication sur l'état de bonne ou mauvaise santé.
 
slumblogger, ce n'est pas forcément d'être épaulé dont on a besoin quand on souffre, mais un sourire ou un mot de compassion peuvent suffire à redonner la force de lutter. On ne peut pas demander aux autres de nous épauler tout le temps (sauf à des très proches),car c'est une situation usante.
Inocybe, effectivement, j'avais entendu dire que l'expression venait de ça. En particulier, ça me rappelle la série "l'hôpital et ses fantômes" où un des chirurgiens, celui qui avait raté l'intervention d'une petite fille, était très préoccupé par sa santé et examinait ses selles tous les matins.
 
L'expression exacte, je crois - je demanderai à mon médecin préféré - est comment allez-vous du corps ?
 
Le blog est une manière discrète et élégante de faire un clin d'oeil ;-) à celles et ceux qui souffrent, une manière de puiser chez l'un de donner chez l'autre, j'ai le sentiment, sans pouvoir l'exprimer, qu'il se passe vraiment quelque chose entre les gens par blogs interposés, en tous cas, votre texte est important, merci de nous l'avoir fait lire!

Quant aux tabous (ne pas communiquer sa souffrance) dont parle Sébastien, cela varie selon les cultures peut-être? la nôtre devient un peu glaciale, glaçante et aseptisée, dommage.
 
Je crois que la pire douleur est celle où les autres ne supportent pas votre douleur, voire vous la reproche. Comme si vous en étiez "responsable", comme si tout se "maîtrisait", parce qu'ils n'acceptent pas ou ne savent pas y faire face... Comme tout ce que vous dites me touche Simonne ! Bien amicalement.
 
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